Pushkar et retour
Publié le 8 Mars 2014
Bonjour à tous,
Voilà, nous sommes revenus! Ci-dessous quelques dernières impressions avant la reprise. Merci pour les commentaires, et merci à ceux qui nous ont aidés pour faire que ce voyage soit possible!
La dernière étape du voyage a donc été la petite ville de Pushkar, connue pour être un centre spirituel indien, où se situe le seul temple de Brahma de toute l'Inde, et où se rassemble tous les ans en novembre une célèbre foire aux chameaux. Nous devions, selon le programme prévu au début, dormir sous tente, mais il y a eu tellement de modifications que finalement, ça a été un hotel (ci-dessous, la "Green Haveli")
et peut-être cela a-t-il été pas plus mal... Nous sommes ensuite sortis voir la ville, et là nous avons subi l'arnaque religieuse organisée de Pushkar: des rabatteurs nous donnaient, le long de la route, des pétales de rose à aller jeter dans le lac; d'autres faisaient de même plus loin, avec force injonctions de bien faire ce qu'on nous dirait; et à un endroit, il fallait tourner à gauche, dans une ruelle qui mène au lac, parce que les pétales ne se jettent que là. Au bord du lac, des marches y descendent, et chacun est pris en charge par un gars qui nous explique que grâce aux pétales et à un bracelet, on ne sera pas embêté dans la ville à l'entrée des temples, etc. Il nous fait descendre au bord de l'eau, nous fait asseoir, nous débite son discours sur la nécessité de respecter ce lieu sacré, il y a quelques questions sur la famille, les bénédictions à obtenir pour elle, des divinités en rapport avec notre geste d'offrande, et un saupoudrage de karma: on est prêt à faire la "donation", de préférence évidemment en billet, en euros, et le plus possible - 20, 50 euros pourquoi pas! Inutile de vous dire que j'ai refusé tout net, de même pour le speech, mais plusieurs étudiants ont été assis, entrepris, sollicité, parfois à leur corps défandant. Beaucoup d'exaspération, de gêne et de déception d'être ainsi alpagué par les professionnels du "tourisme spirituel".
La suite de la ville est également décevante: marchands du temple à tous les coins de rue, clinquant, fausse intériorité, chasse au touriste, et surtout, surtout, plus aucune joie dans les rencontres. Les vendeurs sont passés de l'autre côté, du côté de l'argent. Ils nous sourient à peine, alors qu'ailleurs, à Jodhpur, à Delhi, les regards étaient vivants de cet accueil chaleureux qui transforme le moindre marchand en hôte de son pays ou de sa ville. Ici, l'habitude de voir le touriste, et sans doute aussi, le touriste superficiellement dévôt, a tué le rapport humain. Un Dieu désincarné éloigne les hommes les uns des autres, et si l'on cherche Dieu ailleurs que dans le regard de son frère, on s'aliène de ce dernier. Ceci est vrai, je pense, autant pour les indiens que pour les étrangers, à Pushkar. Tous ces babas cool, ces toqués d'un spirituel faussé par la recherche (pourtant authentique - voir ici) d'un sens qui revient à s'écarter de l'humain, en faveur d'un ésotérisme mystico-illuminé (et aidé en cela par les drogues, "douces" ou pas): comment en vouloir aux profiteurs locaux opportunistes, qui exploitent un tel vide religieux? Evidemment ce système choque les personnes qui, venant dans ce genre de lieu pour une démarche intérieure authentique, se heurtent à son exploitation marchande, mais bon, la leçon ne leur est sans doute pas si mauvaise. Et même si ce genre d'expérience ne permettra pas, sans doute, aux occidentaux dupés de se rendre compte que la foi qu'ils ont perdue ne saurait être retrouvée par un pélerinage à d'autres sources que la leur (car venir à Pushkar ne relève, dans le fond, que de la curiosité intellectuelle), au moins leur venue sert d'elle (au moins en partie) à améliorer l'ordinaire de quelques familles locales.
Après notre nuit à l'hôtel, nous sommes réveillés à 5h30 pour aller faire la dernière partie de notre programme, le safari à dos de dromadaire! Truc improbable s'il en est, nous nous sommes retrouvés de nuit, à dos de chameau, en train de nous balancer à travers les ruelles désertes de la ville en direction d'une zone sablonneuse qui devait être vendue comme "le désert"... J'ai l'air critique, cependant nous nous sommes bien amusés et la sortie fut un succès:
Après la ballade en dromadaire, nous avons attendu à l'hôtel que de l'argent (5000 roupies) nous soit rapporté, car la veille nous avions dû en avancer au chauffeur du car qui n'avait pas été assez payé (et donc pas assez de gasoil pour le car), ultime avatar de rebondisements variés qui ont émaillé l'organisation très approximative de notre programme hors de l'Université. Finalement, l'argent est arrivé vers 10h, et le long trajet de retour a pu commencer en direction de Delhi, où un dernier hôtel nous attendait. Un dernier petit saut dans les rues adjacentes pour trouver à manger, et la petite nuit (finie à 4h30, aïe, aïe) qui nous séparait du départ à l'aéroport s'est passée, non sans quelques aléas encore, car un chauffe-eau défecteux dans une des salles de bain, qui avait même électrocuté une des étudiantes, nous a obligé à leur demander un changement de chambre!
En dépit de ces quelques déconvenues et (peut-être inévitables) énervements causés par le système D en cours en Inde, nous revenons de ce voyage globalement ravis. Notre séjour à JNU, évidemment, le coeur de notre projet avec les INSAiens, a été un moment de découverte et de partage formidable. Certaines visites ont ravi le groupe, comme par exemple le temple Jaïn de Ranakpur. Et les différents moments passés entre nous, sans conflit, dans un esprit de rigolade et de plaisir partagé, de convivialité et de mutuelle entraide, nous ont fait trouver le temps court et les jours remplis. Nous nous sommes autant découverts les uns les autres que le pays et ses habitants; nous repartons avec des projets de poursuite de l'expérience, sous forme d'échanges, de partenariat, de relations bilatérales, tout cela à voir évidemment avec les instances de l'INSA. Nous sommes conscients tous de nous être laissés bousculer par un pays différent, des habitudes culturelles, alimentaires, relationnelles différentes, et nous pensons que cette ouverture à l'autre est le défi le plus intéressant d'un tel voyage.